L’intuition levier de l’innovation ?

L’intuition est de moins en moins un mot tabou ! Et elle commence même à avoir sa place dans les entreprises. D’ailleurs, hier j’étais à une conférence animée par un groupe d’entrepreneurs avec un panel intéressant allant du plus « scientifique » au moins « conventionnel ».

Si le mot n’est plus tabou, il semblerait que ce terme soit polysémique voire polymorphe, en tout cas c’est ce que j’ai découvert en écoutant les différents intervenants de cette conférence. Chacun avait sa propre définition de l’intuition.

Chercher à intellectualiser le subtil, à rendre tangible l’intangible, me semble hélas inaccessible.

L’intuition doit être vécue pour être comprise. Ce qui n’est pas une chose facile, car notre mental prend vite le dessus. Je vous invite à lire le roman « Intuitio » de Laurent Gounel, ce n’est pas à mon avis le meilleur roman qui soit, mais il donne une très bonne idée de ce que peut être l’intuition. Il parle aussi de l’IRIS, école de l’intuition à Paris, et des recherches sur le Remote Viewing lors de la guerre froide.

Ce que l’intuition n’est pas…

Quand nous parlons d’intuition, de quoi parlons-nous ?

À défaut de définir ce qu’est l’intuition, voici ce que je pense qu’elle n’est pas (avec quelques raccourcis), ceci n’engage que moi, bien évidemment.

• L’intuition n’est pas l’instinct qui est guidé par notre cerveau archaïque,
• l’intuition n’est pas une émotion qui est guidée par notre cerveau limbique,
• l’intuition n’est pas un raisonnement basé sur notre expérience passée car celui-ci est guidé par notre cortex…
• L’intuition n’est pas non plus le bon sens, guidé souvent par nos conventions sociales ou familiales.
• L’intuition bien que finalement traitée par notre cerveau n’est pas originaire du cerveau.
• L’intuition n’est pas que féminine, elle est pour tous et toutes.
• L’intuition n’est pas un ressenti au sens « bioénergie » du terme mais on peut la ressentir dans le corps – dans les techniques de testing, on peut savoir si quelque chose est bon ou pas pour nous, aligné ou pas pour nous, ceci n’est pas de l’intuition mais de l’intelligence de nos corps.

INNOVATION ET INTUITION

L’innovation continue est, selon moi, principalement basée sur l’observation, les données, la veille stratégique ou technologique, l’amélioration des processus ou des produits et est peu en lien avec l’intuition à proprement parler. J’ai rarement entendu un entrepreneur parler d’intuition dans ce contexte, mais cela ne veut pas dire que ça n’existe pas.

Toutefois, l’innovation disruptive, elle, est parsemée de nombreux exemples de découvertes, de prix nobels et de théories qui sont issues, selon leurs « inventeurs », de l’intuition.

Albert Einstein disait que nous étions à la fois rationnels et intuitifs. Nos ressources mentales s’annoncent non seulement différentes, mais complémentaires dans leur nature. D’après lui, la nature de l’intuition semblait appartenir à un mystère, à un don reçu sans effort.

Dans les années 60, 80% des dirigeants américains reconnaissaient prendre leurs décisions à l’aide de l’intuition.

Et en 2010, 82 Prix Nobel de Sciences sur 93 interrogés ont mentionné l’intuition comme facteur de succès.

Notre cerveau est fantastique et encore fort méconnu. Il capte 10 puissance 17 (c’est beaucoup de zéros après le 1) informations par seconde. Nous n’avons qu’un tout petit pourcentage de conscience de ces informations et nous n’utilisons qu’une partie infime de la partie dont nous avons conscience.

De manière générale, notre cerveau met les informations dans des cases, souvent en fonction de notre vécu, de notre expérience, de nos croyances, de nos blessures, de nos peurs, etc. Cela lui permet d’aller plus vite, mais avec certains biais.

L’intuition est un outil, un don de synthèse d’un maximum de ces informations en un instant. C’est un outil phénoménal pour des prises de décisions rapides dans un monde totalement incertain.

Mais pour cela, il faut apprendre à l’utiliser, il faut apprendre à faire le tri, à éliminer les faux amis. Il est impératif de pratiquer le plus souvent possible sur des décisions sans trop d’impact afin d’être efficace et d’avoir confiance lors d’une prise de décision critique.

Ce don qui nous est donné à tous demande, au début, un effort immense afin de laisser notre mental et nos interprétations de côté et de nous faire confiance.

INTUITION, IA ET BIGDATA

Ray Kurzweil nous parle de singularité dans moins de 20 ans, c’est-à-dire un moment où la Super IA pensera mieux que nous, créera mieux que nous et prendra de meilleures décisions que nous. Qu’en sera-t-il de l’humain ?

J’ai commencé à faire de l’IA il y a plus de 30 ans en école d’ingénieur, et après une longue période glaciaire, je suis heureux de voir cette renaissance de l’IA. Mais devons-nous nous faire du souci pour notre avenir ?

L’IA dépasse déjà l’humain d’un point de vue du savoir acquis ; elle peut apprendre rapidement sur tous les domaines, un peu comme quand Néo apprend le jujitsu en quelques secondes dans The Matrix.

L’IA peut prendre ces savoirs acquis par l’apprentissage (Deep Learning) et faire des liens afin de proposer quelque chose qui ressemble à un raisonnement.

L’IA peut créer à partir de ces données de nouvelles données ; c’est ce qu’on appelle l’IA générative.

Mais pour l’instant, à ma connaissance, l’IA n’a pas d’intuition et ne peut pas non plus la simuler.

Cette définition très simple et très claire du Larousse me fait dire que pour l’instant l’IA contrairement à l’humain n’a pas (encore) d’intuition. Profitons-en, c’est un atout qui pourrait nous être très utile.

J’adore la définition de Patrice Van Eersel, dans le Cinquième Rêve. L’intuition appartient au monde créateur alors que la pensée appartient au monde créé.  L’IA fait donc partie du monde créé et l’intuition humaine du monde créateur.

Pour l’instant, ne nous attardons pas à chercher ce qu’est l’intuition et quelle est son essence. Nous n’avons pas besoin de connaître le fonctionnement d’un moteur thermique pour conduire une voiture.

Cherchons plutôt à l’expérimenter, à nous entraîner, à la pratiquer quotidiennement. Nous savons qu’elle existe, qu’elle est un don qui nous est offert à tous, alors utilisons-la, faisons-nous ce cadeau.

Allez, je vous donne ma définition ! L’intuition est un accès direct et immédiat à un élément de connaissance, elle est intemporelle, elle est parfois ressentie dans le corps, elle est juste si elle n’est pas obscurcie par nos peurs, nos croyances, nos blocages, nos blessures… en d’autres termes, si notre mental ou notre ego ne prennent pas le dessus.

Comme le disait Albert Einstein, nous sommes multi-potentiels, nous savons raisonner et nous sommes intuitifs, profitons-en ! Et surtout, bonne pratique !